Randonner avec un âne
 ou apprendre à vivre la lenteur

 

·

 

Récit d’un voyage avec un âne, en presqu’il de Crozon, Bretagne

Photos et texte : Louise Garin

C’est la communauté de Les Others qui m’a largement inspiré l’idée de réaliser une micro-aventure près de chez moi.

Je pratique l’escalade, le vtt, la randonnée, je suis photographe et adore être dans la nature. Avec tout cela, je n’avais plus qu’à laisser aller mon imagination pour trouver un projet satisfaisant. C’est une entreprise que je n’ai pas fait seule, mais avec une amie : Aurélie.

D’abord l’idée était de rejoindre deux secteurs d’escalade bretons à pieds. Nous avons choisi celui de la forêt d’Argol à l’entrée de la presqu’île de Crozon et la mythique pointe de Pen-Hir. Pour rendre cette aventure plus inédite nous avons décidé d’être accompagnées d’un âne ! 

Bien entendu il allait pouvoir participer à la répartition du poids des affaires mais hors de question de lui faire porter plus qu’il n’en faut.

Alors chacune de nous aurait ses affaires et le matériel de bivouac et l’âne se chargerait de la corde et des baudriers équipés. Au final sur un rapport charge des affaires / poids c’était plutôt nous les mules !

En presqu’île de Crozon il existe une association : Océ’âne qui propose des ânes pour accompagner les randonneurs. Louer un âne pour quelques jours nous permettait en plus de notre projet de contribuer au quotidien de ce petit troupeau d’animaux.

Le bivouac est interdit en presqu’île de Crozon mais nous voulions tout de même vivre l’aventure de la sorte. Alors pour palier à cela, nous devions avoir l’autorisation de dormir sur des propriétés. Sur quatre nuits, nous avions trois points de chute : des jardins ou bouts de terrain que nous avions eu par bouche à oreille. Des personnes nous attendaient, avec une certaine excitation de nous voir arriver avec un âne ! 

Et puis il nous restait une nuit à improviser.

Alors voilà, on a rencontré Gadichon un vendredi matin dans la forêt communale d’Argol. On a grimpé quelques voies avant de se lancer dans l’aventure de rejoindre la pointe de Pen-Hir !

Notre itinéraire allait entre chemins et sentiers côtiers ; mais avec notre compère plusieurs portions de ce dernier n’étaient pas envisageables.

Voici le détail de nos étapes : 

  • Argol > Telgruc
  • Telgruc > Saint-Hernot
  • Saint-Hernot > Kerloc’h
  • Kerloc’h > Camaret

Nous marchions environs 15 kilomètres par jour et cela a été une initiation à la lenteur et la contemplation. La randonnée est appréhendée totalement différemment et cela fait un bien fou. D’un coup la performance n’a plus aucun sens et seul compte l’animal : son rythme, son repos, son bien-être. Le présent devient si absorbant qu’il n’y a plus de place pour d’autres pensées. 

Bien entendu Gadichon nous a révélé son caractère au fil des jours et a refusé de passer sur des passerelles dans les dunes de la Palue. Il a fallu faire autrement et s’en accommoder.

Voyager avec un âne ouvre la rencontre à l’autre ! Cela attire les curieux, les questions, les sourires. Il a été très facile de trouver un endroit où dormir le soir où nous n’avions pas de point de chute. 

Une magnifique rencontre s’est opérée avec cet animal, on était ensemble à entreprendre cette aventure. Il était primordial d’être dans un respect mutuel et de penser avant tout à son bien-être. Lui ne boit pas beaucoup d’eau et se restaure essentiellement d’herbe et de carottes ! Il n’aime pas voir les autres membres de son troupeau s’éloigner trop loin de lui, enfin, en tout cas, c’était le cas pour Gadichon qui nous gratifiait d’un beau « hi han » s’il ne nous voyait plus.

Lorsque nous sommes arrivées à Pen-Hir, 3 jours après le départ, la satisfaction a été aussi forte que l’arrivée sur un col. Notre objectif était atteint, et le voyage avait été tout aussi riche que le fait d’arriver au point final. 

Nous avons un peu grimpé mais il faisait si chaud que cela n’a pas été le moment des exploits. 

Puis nous avons raccompagné Gadichon chez lui, à pied. Il nous restait encore un peu de marche.

Cette aventure a été d’une grande richesse ! Elle m’a permis d’appréhender la randonnée autrement, ralentir le pas, accueillir les rencontres.

Nous avions aussi entrepris un séjour sans déchets, cela a été un succès à part les papiers des pansements ! Et oui… les ampoules ne préviennent pas lorsqu’elles arrivent ! 

Et la citation de Jon Krakauer prend tout son sens avec ce que nous avons entrepris : « il y a des gens qui font de grands rêves, d’autres de petits rêves, mais le plus important, c’est de ne jamais cesser de rêver. »